Franck Pourcel est photographe et auteur. Son nouveau projet, Failles, entre lieux et non-lieux, s’inscrit dans la continuité de son travail photographique largement marqué par l’anthropologie : depuis 2018, il voyage sur les traces des peuples nomades venant d’Asie qui auraient traversé le détroit de Béring pour migrer jusqu’en Amérique du Sud. Il souhaite documenter les liens (et les failles) existant entre ces territoires et les populations qui y vivent, dans un monde industriel et sédentarisé.  

Ce projet sera restitué sous plusieurs formes : une exposition photographique, un livre en trois volumes (qui suivront les trois grandes étapes de son voyage), et enfin un blog.

Failles, entre lieux et non-lieux est fondé sur une théorie formulée par plusieurs archéologues et anthropologues selon laquelle, il y a plus de 20 000 ans, lors de la dernière période glacière, des peuples venant d’Asie auraient traversé la Béringie (actuel détroit de Béring) pour parvenir jusqu’à l’Amérique du nord. Certains groupes se seraient fixés sur les terres au nord, alors que d’autres auraient poursuivi leur migration jusqu’au sud de l’Amérique.

Ce projet associe des photographies, des scènes vidéo et des documents (cartes, dessins, textes) dans lesquels, à partir des notions de localité nomade et de non-lieu globalisé, je tente d’explorer dans plusieurs régions de la planète les rapports et les tensions existant entre cultures vernaculaires (en particulier celles des populations nomades, aujourd’hui globalement menacées) et monde industriel à l’époque de l’Anthropocène.

Comme mes précédents travaux le montrent, mon approche de la photographie est marquée par l’anthropologie. Si dans La Petite Mer des oubliés (1996-2006) et dans De gré ou de force – Noailles à l’heure de la réhabilitation (2007), j’avais tenté de documenter l’évolution de micro-sociétés à une échelle locale ou territoriale (celles, diverses et complexes, qui se sont constituées autour de l’Étang de Berre et ses multiples activités industrielles dans le premier cas ; et dans le second, celle tout aussi complexe et variée du quartier de Noailles dans le centre-ville marseillais), ces dernières années j’ai travaillé à une échelle plus vaste, m’intéressant à la diversité de cultures et au mouvement des populations dans le bassin méditerranéen dans Ulysse ou les constellations (2003-2013) et au traitement de déchets dans ce même espace dans Vies d’ordures (exposition collective, Mucem, Marseille, 2017).

Failles, entre lieux et non-lieux, le projet qui fait l’objet de ce dossier, s’inscrit dans ces préoccupations.

L’enjeu est d’esquisser un tracé, soit-il imaginaire (mais néanmoins repérable et situé), à l’échelle planétaire, et de constituer à même les images d’un espace à la fois fragmentaire et transfrontalier.

Mon idée est donc de suivre cette longue route depuis la chaîne de l’Altaï en Mongolie jusqu’en Patagonie au sud du Chili, afin de photographier des populations nomades (ou semi-nomades ou anciennement nomades) et de documenter les violences que ces populations et leurs territoires ont subies au cours de l’histoire.

Je souhaite ainsi me confronter aux lignes de partage entre l’habitable et l’inhabitable, interroger les notions de lieux et de non-lieux, en portant une attention particulière aux failles de notre temps et aux régions qu’elles abîment – dont l’espace intime des corps.

Franck Pourcel

Début le printemps 2021, La Marelle a ouvert cette nouvelle "maison", la Villa Deroze, située au milieu des pins, sur les hauteurs de la cité portuaire de La Ciotat. Confiée avec générosité par Danielle Deroze, elle est destinée à accueillir artistes, auteurs et autrices, pour des projets de création qui souvent se croisent ou s’hybrident.