Contre-surveillance #3
J’ai rendez-vous avec un réseau de contre-surveillance, dans le fond d’un café de Noailles, pour une sorte de brainstorming de gauche. Un mois s’est écoulé depuis nos derniers échanges. Il y a de nouveaux visages. Je parle avec une jeune femme qui fourmille d’idées et d’énergie. Elle trouve des punchlines toutes les dix secondes. Elle aime agir par l’humour, retourner les situations. Elle raconte le désarroi des CRS, face à une banderole sur laquelle elle avait écrit : "Adidas La Police". Un moment de latence, puis tout le monde rit en même temps en comprenant la blague. E. me demande si je vais filmer la prochaine action. J’hésite, et comme toujours dans ces moments, je dis oui.
En rentrant, je teste un accoutrement vestimentaire sous la caméra de surveillance du métro, écharpe remontée sur le visage. J’essaie de me mettre dans la peau de quelqu’un qui ne veut pas être identifiable. Je prends conscience en faisant le geste que je semble me protéger de l’épidémie de coronavirus, et que si les choses s’aggravent de ce côté-là, il y aura tellement de visages masqués dans les transports que les caméras ne serviront plus à rien. Reconnaissance faciale ou pas, nous sommes tous sous surveillance médicale.