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En résidence de création

Abel et le frère absent
Philippa Santoni

■ Octobre 2025, puis février et avril 2026
■ Marseille et Corse

Le projet d’écriture

En résidence à Folelli (Corse) et à La Marelle, Philippa Santoni poursuit l’écriture de son roman Abel et le frère absent (titre provisoire). Habituée aux publications en langue corse, elle s’essaie depuis peu à l’écriture en langue française. 

Note d’intention de l’autrice

Lorsque j’ai écrit L’Eiu stesu et Scidditi puru u me nomi, deux recueils de proses poétiques, mes principales sources d’inspiration étaient les références bibliques.

Avec L’Ora di i tonti, bien que rédigé en grande partie en corse, j’ai amorcé un premier pas vers l’écriture bilingue. La version corse y intègre de nombreux passages en français, marquant une évolution dans mon rapport à la langue et à la narration.

Parallèlement au début de ce projet, j’ai achevé La Cheminée des fées, écrit cette fois entièrement en français. Ce texte constitue en quelque sorte le prélude à Da Parighji sin’à tè, poursuivant cette transition vers une écriture plus ouverte, plus hybride.

Dans Abel et le frère absent, le mythe d’Abel et Caïn n’est qu’un point de départ : un prénom, Abel, deux frères – peut-être davantage… Le récit explore des destins entremêlés, dans un décor qui évoque la Corse du siècle dernier, sans jamais situer explicitement l’action dans le temps. Seules quelques références permettent d’en esquisser la temporalité.

Différentes voix s’élèvent. Le narrateur n’est pas unique : la parole circule entre les personnages, tissant une polyphonie qui donne sa structure au roman. Des passages oniriques viennent ponctuer le récit, brouillant les frontières entre réel et imaginaire.

Avec ce livre, je propose une approche radicalement différente de mes précédents romans : plus chorale, plus ouverte, plus libre dans sa forme et sa narration.

Philippa Santoni



Extrait

« Nos enfants avaient le même père. Ce père infanticide. Ce père qui n’a jamais voulu l’être. Lorsqu’on le connaît, on comprend pourquoi il n’a jamais voulu transmettre une once de lui-même. Alors pourquoi, elles, le voulaient-elles ? 

Elles n’avaient pas eu de père, ne savaient pas à quoi cela devait ressembler. La paternité demeurait un concept abstrait qui leur était inconnu, comme il peut l’être également pour beaucoup d’hommes qui ne sont guère capables d’en prendre conscience.

Pourquoi lui ? Leur rappelait-il quelque chose ou plutôt quelqu’un qu’elles ne connurent jamais ? 

Je suis certaine que ton fils à aspirer l’âme du mien. Ce sont une seule et même personne, un seul et même souffle. Celui qui s’est éteint dans le mien, a été insufflé dans le tien. Tu as été plus gâtée que moi, sur trois, un seul t’a été enlevé mais bientôt tu perdras les deux qu’il te reste. Ne t’inquiète pas, je serai perdante également. Il ne me restera plus rien. Nous serons à égalité et cette compétition maternelle pourra enfin s’achever. Ici. Là où tout a commencé. T’en souviens-tu ?

L’incube nous a engrossées sans le moindre scrupule. Rien d’étonnant lorsque l’on sait qu’il s’agit du fils de la faiseuse de démons. Elle l’a engendré dans l’unique but qu’il lui fournisse des ventres à torturer et des anges à déchoir. 

Il s’attaque aux femmes vulnérables, à celles qui n’ont pas de père pour les défendre. Je désirais plus que tout un fils pour cela ; pour avoir un homme qui me protégerait. Il me causa somme toute plus de peine que quiconque. À croire que le mâle n’est là que pour nous affliger alors que nous tentons en permanence de le rasséréner. En cela, nos rôles diffèrent. Ces êtres sont destinés à prendre ce qu’on leur donne, sans jamais nous renvoyer un minimum d’énergie. Comment sommes-nous censées nous maintenir ? Je suis à présent dépouillée de mes forces. Je n’ai plus rien à offrir. Serais-je devenue complètement inutile ? Ma vie n’avait-elle un sens qu’à travers eux ? En empêchant leur mort, elle en retrouverait peut-être un ? Mais la sentence semblait être inévitable. Je n’ai eu aucun moyen d’intervenir. Je les ai vus tous les deux s’entretuer près de cette rivière. Il me semblait la reconnaître. C’est le lieu de leur conception. Celle-ci, loin d’être immaculée, ne fût que torrent de sang. Les spicules de sa verge malfaisante rappelaient les aiguilles de la marâtre. Les deux m’ont transpercée, je ne saurais dire lesquels m’ont le plus meurtrie, les sensations étaient analogues. Après tout, c’est sa mère qui l’en avait doté. 

Je ne sais pas si notre fils en avait hérité, lui qui ressemblait tant à un ange. Pourquoi est-ce que j’en parle au passé ? Tu le sais très bien, ne fais pas comme si tu n’avais pas compris. Je te l’ai dit tout à l’heure. Bientôt, il ne restera plus que toi et moi. Tu le verras par toi-même en allant à la rivière. Ils t’y attendent je crois. »

Extrait du projet en cours Abel et le frère absent, 2025, Philippa Santoni

Le lieu de résidence

La première partie de résidence de Philippa Santoni a lieu à la Villa des auteur·rices, dans le logement de résidence à la Friche la Belle de Mai à Marseille. La seconde a lieu à Folelli en Corse. 

Partenaire et structure associée

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