Accueillie en résidence à La Marelle, Charlotte Gosselin travaille sur sa deuxième publication, La glace part en morceaux (titre provisoire). 

Dans les yeux d’une narratrice sensible et à travers des métaphores visuelles aux traits parfois précis parfois tremblants, on suit une femme qui retourne chez elle après être allée accompagner son amour, dont on ne sait rien, dans un centre de désintoxication. À mesure que le fleuve gèle et emprisonne les bateaux, la narratrice se demande : « À quoi je sers, si l’autre va mieux ? »

La glace part en morceaux (titre provisoire) aborde les thèmes de la co-dépendance, du rétablissement et de la fonte des glaces au printemps. La publication de cet ouvrage est prévue pour l’automne 2025. 

Le projet de résidence raconte le point de rupture dans une relation de dépendance, sans trop de contexte et d’indices sur l’avant, pour se concentrer sur les allers-retours et les questionnements qui mènent à la volonté de quitter.
Je puise pour cela dans ma propre sensibilité face aux glaces qui partent au printemps. Au moment précis où elles fondent et qu’elles se décrochent. Comme si la décision se prenait soudainement, mais qu’en même temps elles s’y préparent longuement.   

Ce projet cherche à comprendre comment les comportements caractéristiques de la paranoïa, de l’hypervigilance et des obsessions apparaissent chez la personne qui se retrouve en position de proche aidance comme ils le font chez celle qui souffre d’une dépendance.  Avec le dessin, je souhaite développer une écriture graphique et poétique pour présenter des ressentis plutôt que des faits ; raconter une histoire en mettant l’accent sur ce qui entoure la narratrice, sur les objets et les paysages qu’elle décide ou non de regarder, et sur la manière dont son regard sur les choses reflète l’évolution de ses doutes. Je tente d’exposer avec justesse un flux de pensée qui se déploie au présent et qui est parfois contradictoire, égoïste et honteux pour la narratrice lorsqu’il est question des sentiments qui entourent certaines pensées ; le mépris, le dégout, l’envie, le vide. Je ne veux pas être didactique ou factuelle, mais plutôt parler de sensations, qui, malgré une situation dramatique, sont des expériences banales, partagées. Je souhaite raconter le rétablissement, le chemin vers la séparation, le sevrage. Je souhaite explorer ces thématiques à travers également d’autres voix, lors des groupes de paroles auxquelles la narratrice participe, anonymes, les paroles se mélangent alors, appuyant le fait qu’une fois partagée, et reconnue dans d’autres, l’emprise est plus facile à déconstruire. 

Je souhaite explorer les différentes formes de découpage et de mise en page afin de jouer avec les codes de la bande dessinée que j’ai à peine développés dans mon premier livre. Je segmente des actions précises, ou alors je déplie des paysages statiques, et use de mon trait agité ou précis au crayon papier pour proposer le mouvement. Je cherche à raconter le temps qui passe lentement, l’isolement et la redondance en me concentrant sur les détails, comme un porte-clés qu’on accroche à un trousseau, un réfrigérateur vide, une casserole de lait qui déborde, le motif du parquet.  
Le rapport texte-image permet une forme d’expression très vaste, et dont le potentiel poétique me semble exploitable à l’infini. Les deux formes d’écriture peuvent se superposer, se répondre, se croiser. Je souhaite développer, dans ce projet, un langage où les métaphores s’installent progressivement au fil du récit et deviennent des motifs répétitifs, pour qu’à la fin, il suffise de quelques mots pour exprimer des états mentaux et physiques difficiles à décrire autrement qu’avec des mots, ou qu’avec des images.

Charlotte Gosselin

Charlotte Gosselin, 2025

La résidence de Charlotte Gosselin a lieu à la Villa des auteur·rices, dans le logement de résidence à la Friche la Belle de Mai.