Accueillis en résidence à La Marelle, l’artiste Christophe Bruno et l’historienne et critique d’art Chrystelle Desbordes ont imaginé un projet d’écriture explorant la vie et les formes d’organismes qui évoluent dans des espaces liminaires, sur des seuils (« limen », en latin).
Souvent invisibles, ces organismes sont marqués par une inquiétante étrangeté (caractéristique de leurs territoires respectifs) et composent ici un traité de douze « Naturalia », allant des virevoltants des déserts américains à l’IA d’Internet – nouvelle « Non Human Intelligence » liminale ouvrant sur un nouveau règne.
L’ensemble de ces objets sera étudié selon une méthode heuristique ouverte et interrogera, plus généralement, les espaces habitables, aujourd’hui, entre « réalisme capitaliste » (Mark Fisher) et imaginaires bio-esthétiques.
Naturalia – petit traité de douze espèces liminaires est le projet lauréat 2025 de l’appel à projets pour une résidence d’écriture numérique porté par La Marelle et Alphabetville.
Dans le cadre de la résidence croisée La Marelle x Alphabetville, l’artiste Christophe Bruno et l’historienne et critique d’art Chrystelle Desbordes ont imaginé un projet d’écriture en lien avec les recherches qu’ils mènent ensemble, depuis 2012, fondées sur les relations esthétiques et politiques entre l’art et le réseau Internet, et depuis 2018, entre l’IA, l’art et son écriture.
Le duo s’est inspiré de la fascination croissante, depuis le confinement, des digital natives pour les « espaces liminaires », et des multiples questions que ces espaces soulèvent en tant qu’interfaces entre réel et imaginaire. Or, si ces espaces liminaires sont vidés de présences humaines, ils n’en sont pas moins des territoires « occupés », hantés par des présences invisibles, fantômes ou spectres, animaux, plantes, organismes vivants – des « espèces liminaires » donc, appartenant aux « Non Human Intelligence » (« NHI »). Le projet se concentre sur une douzaine de « Naturalia » liminaires, que l’on pourrait trouver dans un cabinet de curiosités en raison de leur aspect insolite (le terme de « Naturalia » se réfère d’ailleurs à une typologie classique du cabinet de curiosités depuis le Moyen-Âge). L’IA elle-même, no man’s land entre codes de la nature et civilisation du code, clôt le corpus, à la fois étudiée en tant qu’organisme évoluant dans un environnement de « vie », l’Internet, qui a des caractéristiques liminaires évidentes, et utilisée en tant qu’outil d’investigation. Cette mise en abîme nous renvoie à l’essai Espèces d’espaces de Perec, ainsi qu’à sa fiction intitulée Un cabinet d’amateur, et dessine, dans ce contexte, les contours d’un « quatrième règne » non humain, tout aussi étrange, beau et inquiétant que les autres espèces liminaires analysées ici selon une méthode heuristique, une méthode exploratoire ouverte ayant pour but d’en saisir les implications esthético-politiques sur notre temps.
Alphabetville est un espace de recherche, d’expérimentation, de création et de diffusion sur les rapports entre langage, écriture et média, et dont les réalisations se matérialisent sur divers supports technologiques.
Les medias numériques dans ses différentes formes d’expression artistique occupent une place privilégiée au cœur de ces activités.
