Une résidence d’éditrice, ça n’existe pas. Après avoir participé l’année dernière à un évènement réunissant des personnes du secteur œuvrant à la diffusion de la littérature, je n’ai pu m’empêcher d’exprimer à voix haute le manque de temps criant pour celleux qui se situent à cet endroit de la chaîne du livre. Qu’on ne se méprenne pas, il ne s’agit aucunement de prendre la place d’un·e auteurice, et évidemment que la culpabilité et le syndrome de l’imposteur sont d’emblée présents dès la formulation de ce « vide », pourtant si réel.
Souvent, avoir une maison d’édition indépendante en Belgique, c’est une activité en plus de son job à temps plein. On s’y consacre les week-ends, on rabote du temps aux jours et on étire celui de la nuit pour faire de l’espace aux voix des autres. Une éditrice fait plusieurs choses : envoyer et répondre à des emails, préparer des commandes, faire des demandes de soutien, participer à des salons, échanger avec des journalistes, transmettre à des stagiaires… `
Mais, souvent, ces taches pratiques enlèvent du temps pour ce en quoi j’ai voulu, un jour, concrétiser ce rêve d’être éditrice : pour lire des textes qui donnent de l’élan et creusent des sillons dans l’existence, pour entendre une voix qui a la puissance de tout stopper, de m’arrêter. Éditer des livres, c’est une façon de lutter contre le désenchantement du monde en essayant, modestement, de le transformer.
Pour la première fois de ma vie, je vais enfin avoir du vrai temps pour, entre autres, relire une dernière fois le journal de Lisette Lombé, La poésie sociale, un sport comme les autres, tenter d’intégrer les concepts développés dans l’essai Trous noirs : un guide de survie de Janna Levin traduit par Jakuta Alikavazovic et me replonger dans le journal de l’indispensable poétesse québécoise Marie Uguay qui paraîtra en février prochain. J’aimerais aussi parcourir les quelques textes envoyés récemment pour de possibles livres à venir, trier, ranger mes fragiles notes avec l’espoir de faire la part belle aux détails.
Merci à La Marelle d’avoir accepté de m’accueillir, en espérant, que d’autres résidences pour éditeurices, ici ou ailleurs, pourront voir le jour.
Mélanie Godin
Depuis le printemps 2021, La Marelle a ouvert cette nouvelle « maison », la Villa Deroze, située au milieu des pins, sur les hauteurs de la cité portuaire de La Ciotat. Confiée avec générosité par Danielle Deroze, elle est destinée à accueillir artistes, auteurs et autrices, pour des projets de création qui souvent se croisent ou s’hybrident.