Ce texte était d’abord un reportage sur le nouveau de l’indépendantisme en Martinique. Je m’intéressais à une jeunesse qui se réattribue l’histoire des luttes coloniales antillaises, notamment celle de l’OJAM, l’Organisation pour la jeunesse anticolonialiste martiniquaise. Commencé en 2018, le reportage a vite tourné court, une vraie leçon de journalisme : des interlocuteurs qui ne voulaient pas me parler, sans doute à cause d’un point de vue biaisé par ma méconnaissance du pays paternel, et la confrontation, dure, avec cette île dont je me disais originaire et qui s’évertuait à me repousser, croyais-je alors.
Les années ont passé. Doucement, je me suis réapproprié mon identité, aidée par une grand-mère d’une droiture impeccable. Et je suis rentrée, comme on dit ici, même pour les enfants du pays qui n’y sont pas nés, au pays. Je suis rentrée, je suis devenue reporter à la radio, j’ai appris le pays méticuleusement, comme on mémorise au toucher la cartographie d’un amoureux. Quand ma mamie si droite s’est retrouvée allongée, c’est Fort-de-France qui m’a prise dans ses bras, et alors finalement j’ai compris que le reportage allait devenir un récit, celui de cette ville-pays et de sa nuit-monde. J’avais déjà un personnage, Left Eye, un avatar qui piaffait depuis quelque temps dans un coin de ma mémoire. J’ai décidé qu’elle vivrait dans un polar, un roman noir, qui dirait mieux que n’importe quel reportage ce Foyal tant aimé.
Le lieu du crime, c’est Fort-de-France, la victime, c’est Shotta, et maintenant, Leftie, qui croyait ne plus l’aimer, doit enquêter.
Extrait de L’œil gauche, Léa Mormin-Chauvac, 2024
Depuis le printemps 2021, La Marelle a ouvert cette nouvelle “maison”, la Villa Deroze, située au milieu des pins, sur les hauteurs de la cité portuaire de La Ciotat. Confiée avec générosité par Danielle Deroze, elle est destinée à accueillir artistes, auteurs et autrices, pour des projets de création qui souvent se croisent ou s’hybrident.