Le projet d’écriture
Au commencement de ce projet, une phrase qui s’est imposée à moi : « Autour de moi, les femmes pleuraient. »
Affirmation ouvrant d’emblée à deux questions. Pourquoi partir des larmes comme étant le signe d’apparition des femmes ? Et quel serait alors celui des hommes ? « Autour de moi, les hommes comptaient » ; voilà l’intuition qui m’est venue immédiatement en contrepoint.
L’histoire que je déplie dans ce récit ne se donne pas d’une façon linéaire, mais par deux fresques, articulées l’une à l’autre : la première dont le fil conducteur est celui des larmes, la seconde celui de l’argent. L’enfant est la narratrice principale, organisant, par son regard et son silence, le montage qui permet de faire le lien entre les deux mondes évoqués.
Il s’agit d’essayer de rendre aux émotions leur dimension matérielle, économique et politique. De mettre au jour des relations de pouvoir et de dépendance au sein de la famille.
Par ce récit, je tente de saisir un peu mieux tout ce qui conduit à produire le délitement, et la destruction progressive d’une famille. L’impossibilité radicale de continuer à y être.
Justine Arnal
À écouter…
La première chose que je peux vous dire…
Un entretien avec Justine Arnal autour de la revue de La Marelle. Une rencontre animée par Roxana Hashemi, enregistrée en studio à la Friche la Belle de Mai, diffusée sur les ondes de Radio Grenouille et en podcast sur la plateforme Transistor.
Extrait
La terre où prend racine la haine est morne et plate. Une terre d’ennui désolée, archi sèche et sans arbres. L’ennui est né au foyer. Il est né dans le pli des mouchoirs repassés, les culottes soigneusement rangées en piles bien droites dans les placards, le revers des chaussettes incessamment reprisées. Sur les toiles cirées des tables de cuisines, collantes non pas de saleté mais d’usure.
L’ennui est né dans le moule des tartes aux pommes sucrées du dimanche, au fond des marmites des gigots de sept heures, derrière les fourneaux, sous l’évier, contre la pastille bleue suspendue à l’intérieur de la cuvette des toilettes promettant encore une victoire de Canard.
L’ennui est propre, si parfumé. Il sent bon la lessive, le médicament, les sels de bain et la mise en plis maintenue par l’excès de laque.
L’ennui a toujours dans son sac une lime et une petite brosse pour prendre soin de ses doigts.
Extrait de Rêve d’une pomme acide, Justine Arnal, 2024
Le lieu de résidence
La résidence de Justine Arnal a lieu à la Villa des auteurs, dans le logement de résidence à la Friche la Belle de Mai.
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