Disparaître n’est pas qu’un mot. C’est dire le plus que le mot, la vie, la vie d’en rupture et l’avoir l’air. C’est dire que ça brûle. D’un pays en guerre ou famines ou famille s’enfuir. D’étranges erres, par d’étranges terres, d’un fond de silence. Imagine.
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Claude Favre
Ceux qui vont par les étranges terres / les étranges aventures quérant
Description de l’éditeur
Ceux qui vont par les étranges terres / les étranges aventures quérant parle des "Présents-absents", réfugiés, Palestiniens, proscrits jetés au bagne ou dans les camps, ou ceux qui deviennent chair à canon, femmes violées, des esclaves ou des SDF… tous ceux, à travers l’histoire que l’on oublie, ne voit pas, n’entend pas, que l’on tue, massacre. De courts paragraphes saisissants, pour restituer les gestes du bourreau, le regard de celui "qui va par les étranges terres". Le titre, emprunté à Chrétien de Troyes qui nommait ainsi les chevaliers qui s’engageaient dans la quête du Graal, fait de tous ces "laissé-pour-compte" les chevaliers d’une épopée moderne, leur redonnant noblesse et grandeur.
Source : Éditions Lanskine
Extrait
N’imagine, la vie si diverse, les errants avisés, les poursuivis tenaces, les contrôlés rogneux, avec leurs mots furieux, l’ombre de leurs mots, l’ombre de leurs gestes, les enfants de Deligny, carcasses.
Ceux d’ailleurs et travers. Ceux du bord, d’abords étranges, de rives d’échos, errants dans des barques déviées. Les vagabonds. N’imagine, déserteurs de clans, ce qu’on sauve à partir, fouteurs de vie en l’air, veilleurs d’alertes. Qui s’arrachent. Arrachent. À tout bout de champ la guerre. Rayés de la carte. Mais les vrais noms ne sont pas sur les cartes. Et les bateaux quittent vraiment les quais. D’aucuns jamais ne reviennent jamais. Péris. En mer, en désespoir, en vie, sans soin. Péris pour la fortune, enfants. Tranchées métamorphoses il n’y a rien qui vaille. Fond conteneurs, boues des cales, asphyxiés, noyés, foutus, mourus. D’aucuns on ne sait jamais plus rien. Disparus, effacés, ou dansant à reculons. Ou sous le galop d’un cheval siècle devenu fou. Fou cavalier aux désirs fous.
*
Dire les ombres, les déserts, ni présence ni absence.
D’aucuns en Occident pensent que le désert est vide, un vide. À combler de prospections, étancherde catégories, miner de creusements, ronger d’essais nucléaires, souiller de camions rouillés, bidons d’essence, déchets. Colorés sur les cartes.
Disparaître n’est pas qu’un mot. C’est dire le plus que le mot, la vie, la vie d’en rupture et l’avoir l’air. C’est dire que ça brûle. D’un pays en guerre ou famines ou famille s’enfuir. D’étranges erres, par d’étranges terres, d’un fond de silence. Imagine.
Par les étranges terres les étranges aventures quérant.