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Emmanuel

Darley

■ France
■ Romancier, dramaturge

Biographie

Né en 1963, Emmanuel Darley publie d’abord quelques romans (Des Petits Garçons, P.O.L, 1993 ; Un Gâchis, Verdier, 1997 ; Un des malheurs, Verdier, 2003 ; Le Bonheur, Actes Sud, 2007) avant de se tourner vers le théâtre. Il a écrit de nombreuses pièces depuis une quinzaine d’années dont Pas Bouger, Flexible hop hop ou Être humain.

Il a travaillé, entre autres, avec Jean-Marc Bourg, Gilles Dao, Michel Didym, Jean-Claude Fall et Patrick Sueur. En 2008, il collabore avec le metteur en scène espagnol Andrés Lima pour le spectacle Bonheur ? représenté à la Comédie Française. En 2009, c’est la création de sa pièce Le mardi à Monoprix, mise en scène par Michel Didym avec Jean-Claude Dreyfus.

Il a aussi écrit des textes pour la marionnette, pour la musique (projet d’un opéra, Sirènes, avec le compositeur Federico Gardella), et quelques pièces en direction du jeune public.

La plupart de ses textes sont joués, édités, traduits.

Il travaille actuellement à la création (première mise en scène) de son dernier texte Polyptyque EP, autour de la figure d’Elvis Presley.

 

Hommage

Emmanuel Darley nous a malheureusement quitté le 26 janvier 2016. La Marelle lui a rendu hommage dans ce texte.

Un départ sans retour

Hier, la mort d’Emmanuel Darley nous a laissés sans voix. Comment dire ce sentiment de perte et de vide qui nous a submergés ? Tant de choses restaient à faire avec lui, tant de projets à venir sont devenus des désirs inaccomplis.

Il avait accepté à notre grand joie d’être durant deux mois en résidence à La Marelle, à la Friche la Belle de Mai Marseille, en mai et juin 2014, pour se poser et observer, de l’intérieur, cette ville « ouverte sur la mer, sur l’ailleurs », ce qui la traverse, ceux « qui sont là de longue date [ou] qui sont Marseillais depuis peu ». Une envie d’habiter le lieu, mais aussi un besoin de revenir à quelque chose qui le préoccupait fortement: la migration, et les violences qui s’y rattachent ou qui en sont la cause. Il avait « le sentiment de ne pas avoir fait le tour de ce sujet », il voulait à partir de cette cité carrefour « y retourner voir ».
Autrement, sous un autre angle, sans se limiter et en laissant « tous les possibles venir »…

On nous demande souvent (surtout nos financeurs…) quel est le « résultat » d’une résidence. Dans le cas d’Emmanuel Darley, il est immense. Bien sûr, on pourrait parler des rencontres publiques qu’il a menées, avec nous, avec le théâtre de la Minoterie-Joliette, avec les participants de l’atelier d’écriture « en balade » proposé par les Ateliers de découverte urbaine Euroméditerranée, avec les détenus des Baumettes dans le cadre des ateliers de Lieux Fictifs… On pourrait parler des textes qu’il a écrits sur son blog et sur le nôtre, de son intervention à la radio, des nombreuses rencontres informelles avec certains artistes, du chorégraphe Georges Appaix au photographe Franck Pourcel. De l’invitation faite à Philippe Malone, autre écrivain de théâtre et pratiquant comme lui la photo, à partager un temps son séjour, nous donnant l’idée de créer à partir de là un « fil rouge » reliant certains résidants directement à l’un de leurs prédécesseurs. On pourrait aussi évoquer ses retours à Marseille, après sa résidence, pour présenter d’autres travaux théâtraux, mais aussi pour entamer avec nous, à partir des matériaux recueillis durant son séjour, une réflexion sur un livre qu’il imaginait d’une forme nouvelle, multiple, rassemblant textes, images son et vidéo, récits, témoignages, fictions, paroles théâtrales et poésie.
Il avait le souhait de « faire d’un projet global une somme de projets ». Il avait aussi l’envie d’en faire une œuvre collective, c’était l’objet d’un de ses tout derniers messages. Ce « livre » n’existera désormais que dans nos têtes, il faudra l’inventer. Ou il faudra qu’un autre écrivain s’empare de cette ambition, poursuive à sa manière ces espaces à peine explorés, ces projets en suspens.

Mais ce qui nous a marqués, et qui nous manquera, c’est sa présence forte mais discrète, tout comme sa parole, hachée de silences. Ses phrases, à la limite du chuchotement, mais marquées souvent par un humour mêlant la satire au burlesque, et révélant un regard acéré. C’est cette amitié entre nous, construite de longue date, à peine avouée il faut dire, mais fidèle. Nos premières rencontres ont eu lieu en 1993 à la librairie Tschann à Paris. Nous échangions sur les livres, lui jeune libraire, moi représentant en édition, tout en plaisantant, avec néanmoins beaucoup de respect, des douces folies et saines colères de la vénérable Marie-Madeleine Tschann, toujours présente en ces murs bien qu’elle n’en soit déjà plus officiellement la propriétaire.
Ce fut ensuite de lointains échanges, jusqu’à la parution de son premier livre chez P.O.L. où je l’ai découvert écrivain. Les suivants nous donnèrent enfin l’occasion de nous revoir de nombreuses années après, pour des rencontres publiques, tissant un nouveau mode d’échanges marqués toujours par la littérature, et aboutir à cette proposition de résidence de création à La Marelle. J’avais la ferme intention de publier ce livre hybride et collectif. Il y aurait été à son aise, dans cet espace créé au milieu des autres, au milieu de la ville, observant, écrivant, imaginant un autre monde…

Pascal Jourdana, directeur de La Marelle
Avec Claude de Peretti et Fanny Pomarède

« Atelier de rêves urbains »

On se retrouve à la Minoterie. Vous êtes nombreux. Je vous regarde de loin discret. J’aime bien faire ça avant les ateliers. Regarder les gens qui viennent avec moi écrire.

D’abord à la table. Les plans, les cartes, les photos anciennes de Julie.

La ville qui se dessine.

Et puis on sort. On circule. Petite procession qui se déplace dans la Joliette.

Étape une, puis deux, puis trois. On s’arrête. Je vous donne la consigne. Les consignes.

Vous vous asseyez. Longue ribambelle d’écrivants assis sur le muret.

Concentrés. Attentifs. Fébriles, on dirait. Les yeux levés vers les immeubles que je vous ai demandé de faire parler.

Pareil plus loin.

Autres immeubles, modernité.

Ça écrit drôlement. Il faut vous arrêter. Vous redire plusieurs fois On s’arrête

Écrire en mouvement. Écrire la ville. Le bruit, les gens. Ce qui circule et ce qui demeure.

C’est assez joyeux de vous regarder comme ça écrire.

Et puis retour.

Minoterie.

Théâtre.

Vous écouter.

Écouter vos écrits. Ce que mes consignes et puis ce paysage urbain, dans ce parcours par les filles de Rêves Urbains dessiné, vous a inspiré.

Des voix. Des murs, des objets qui parlent. Qui disent.

Et puis, oui, la ville par vous décrite, sensible, intense.

C’était court, un peu en coup de vent, c’était ça la contrainte, mais c’était bien. Riche.

Emmanuel Darley




Son Projet