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Slovnyk svitla : dictionnaire de lumière (1)

Carnet de résidence

Aliona Gloukhova

4 Mars 2022

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Travaux de résidences

D’où vient la lumière ?

Comment ça va ?, je demande à mon amie Masha à Kiev.
J’ai besoin de rien, juste de la lumière, m’écrit-elle, tu peux prier pour nous, elle m’envoie un petit dessin avec les mains jointes pour me remercier.

Je regarde mes mains et je les desserre, quand je le fais je sais qu’ainsi se détend cet organe dont j’ai oublié le nom, je sais que l’électricité devrait passer par là.

Connais-je les mots de cette prière, quels gestes puis-je y associer ?
Est-ce les même gestes qui servent à produire de l’électricité ?

Je ne suis pas forte en anatomie ni en physique électromagnétique,  je sais que la lumière se comporte tantôt comme une onde électromagnétique, tantôt comme un flux de particules. Je demande à l’organe dont j’ai oublié le nom d’être les deux à la fois, je sais aussi que j’ai deux voies : l’incandescence et la luminescence.

Svitlo veut dire lumière en ukrainien.

Le nom d’un organe oublié est
sertse en ukrainien
sertsa en biélorusse
serdtse en russe

Comment ça va ?, je demande à mon amie Irina à Moscou.
Je ne dors pas, elle me dit, je prie, elle m’envoie un dessin de sertse.

Est-ce que prier c’est bercer ceux qui ne dorment pas ?
Portent nos cœurs du svitlo quand tout brûle ?

Autrefois mes amis à Kiev m’ont donné un surnom lampochka, ce qui veut dire une ampoule en ukrainien. J’y ai vécu 2 ans, entre mes 15 et 17, j’y étais probablement quelqu’un de très heureux. Était-ce Kiev ma source d’électricité ? Chaque matin je traversais des champs verts de Petchersk pour ensuite descendre dans le métro et d’aller au bout de la ligne.

Je me rappelle cette voix d’homme qui annonçait les stations en ukrainien, des escaliers mécaniques longs longs comme dans toutes les villes où certaines lignes de métro se retrouvent sous la terre, sous l’eau, en dessous du fleuve. Je me rappelle parfois courir sur ces escaliers électriques, d’avoir une respiration coupée : en haut, dans la lumière du jour je retrouvais mon amie Masha.

Comment ça va ?, je demande à mon amie Ana à Minsk.
Connais-tu des prières qui fonctionnent ?, elle me demande sans répondre à ma question.

Prier, est-ce comme respirer sous l’eau, voire sous la terre ?
Peut-on produire de l’électricité quand on court longtemps comme si on était du vent et une éolienne à la fois ?

L’école où je faisais mes études à Kiev se situait dans l’arrondissement de Podil.
Podil veut dire des terres basses, veut dire l’ourlet de la robe.

Mets-toi dans le soleil, me dit mon ami L.

Tu peux le faire même à distance
même dans une pièce sans fenêtres,
même dans la nuit,
même avec les yeux fermées.

La force de la pensée est-elle suffisante pour produire de l’électricité ?

Quand je ferme les yeux je vois Masha, Iryna, Ana.
Je me demande si nous prions dans la même direction.

Comme le vent qui souffle dans les éoliennes.

La lumière est un oiseau dans un poumon gauche, m’écrit mon amie A. ce matin, hier elle m’a demandé de lui expliquer un peu la situation et je n’ai pas su faire.

Ty moje sonéchko, je lui dis avec les yeux fermés.
Sonéchko veut dire petit soleil en ukrainien, je lui explique.
On peut l’utiliser pour parler à quelqu’un de qui on est proche.

Prier c’est comme porter du soleil dans l’ourlet de la robe.
Dans une pièce sans fenêtres.

Ainsi je commence mon Slovnyk sveltla (dictionnaire de lumière) :
apprendre ukrainien sert à produire de l’électricité.

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