Prélude
Dans la grande villa, je pense Alger, Oran, Sidi-Bel-Abbès.
Je me dis Hoggar, Tamanrasset, peut-être oser le désert.
La résidence serait nomade, je pense l’Algérie comme ci, l’Algérie dont mes amis d’aujourd’hui me parlent, avec leur amour, leur tristesse parfois et leurs mises en garde. L’Algérie, oui, mais pas la terre qu’on a voulu me faire connaître – et pourtant sans doute est-ce une part de celle-ci qui m’appelle. L’Algérie comme je ne peux pas l’imaginer évidemment. Trop tôt, trop loin pour voir. Pour l’instant, je ne sais rien, et c’est bien. Je pense embarquement, familles à bord, salle des machines, bastingage, des fantômes au bastingage. J’entends rencontres amies, je rêve inconnu, espère réconciliation, mais je crois que j’ignore ce que je veux dire par là. Je vois des visages d’hommes qui peut-être m’effraient, j’entends des chants de femmes, comme des sanglots étouffés.
Dans la grande villa, la lumière s’immisce par toutes les fenêtres et se faufile dans chaque pièce, caresse les murs et la tommette, effleure les rideaux, épouse les courbes, se tapit au plafond. Elle me poursuit, je la suis ; elle me surprend, je réponds à ses appels – des rais, des rails de soleil, des dentelles, des moucharabiehs sur le mur blanc comme autant d’appels et de possibles, de trajectoires et d’explorations. J’ai sautillé, j’ai fait des pas de côté, des échappés et des balancés, des pas chassés, des pas en arrière. Dans la grande villa, j’ai dansé avec la lumière.
Et soudain, là, à cet instant précis, ce sentiment d’être juste à la bonne place.
Je suis en partance.